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Travail illégal : le marchandage

Depuis quelques semaines nous vous proposons d’aborder les différentes formes du travail illégal. Après le travail dissimulé (https://www.ghr.fr/social/actualites/le-travail-dissimule), le prêt de main d’œuvre illicite (https://www.ghr.fr/social/actualites/le-pret-de-main-d-oeuvre-illicite) et l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler (https://www.ghr.fr/social/actualites/travail-illegal-l-emploi-d-etrangers-sans-titre-de-travail), nous vous présentons aujourd’hui le marchandage.

Qu’est-ce-que le marchandage ?

L’article L.8231-1 du code du travail, qui interdit le marchandage, le définit comme étant « toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.  »

Il en résulte que le délit de marchandage est constitué et sanctionné pénalement, lorsque deux éléments sont réunis :

  • le fait matériel de l’opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre ;
  • le fait dommageable qui résulte soit d’un préjudice causé aux salariés, soit de la non-application des dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.

Par rapport au délit de prêt de main-d’œuvre illicite, le délit de marchandage n’exige pas que l’opération prohibée concernant la main-d’œuvre ait un caractère exclusif.

En d’autres termes, le délit de marchandage peut être constitué à l’égard de toute opération de prêt de main-d’œuvre à but lucratif.

Il peut ainsi sanctionner le prêt de main-d’œuvre effectué dans le cadre d’une sous-traitance ainsi que le prêt de main-d’œuvre dans le cadre de l’emploi de salariés intérimaires.

Par ailleurs, à la différence du délit de prêt de main-d’œuvre illicite, le délit de marchandage contient un élément d’incrimination supplémentaire, dans la mesure où l’opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre doit avoir causé un dommage constitutif d’un préjudice au salarié ou avoir pour effet d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.

L’opération de prêt de main-d’œuvre peut donc constituer à la fois un délit de marchandage et un délit de prêt de main-d’œuvre illicite dès lors que :

  • l’opération de prêt de main-d’œuvre est à but lucratif et à titre exclusif ;
  • et a pour effet de causer au salarié un préjudice.

A titre d’exemples, le préjudice causé au salarié peut être :

  • un préjudice d’ordre financier. Tel est le cas lorsque les salaires versés aux salariés « prêtés » sont inférieurs à ceux des employés de l’entreprise utilisatrice pour un même travail ;
  • un préjudice résultant de la perte d’avantage (suivi médical, avantages sociaux, indemnités de petit déplacement, etc…) ;
  • un préjudice résultant de la privation des droits sociaux ou du statut social de l’entreprise utilisatrice ;
  • la perte d’avantages au titre du bénéfice des œuvres sociales du CSE, du droit de participer à la désignation des représentants du personnel et du bénéfice de l’assistance de ces derniers. ;
  • lorsque le système instauré, dans l’intérêt du groupe, permettait d’empêcher les salariés de prétendre au bénéfice d’une rémunération minimale, au chômage, aux congés payés et aux avantages du CSE ;
  • la privation des dispositifs de participation aux résultats et d’intéressement dont bénéficient les salariés des entreprises utilisatrices.

Le délit de marchandage est caractérisé dès l’instant que les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents.

Pour autant, il n’y a pas de préjudice lorsque le salarié mis à disposition est rémunéré à un salaire nettement supérieur à celui des salariés de l’entreprise utilisatrice exerçant les mêmes fonctions, alors que les avantages dont ils bénéficiaient étaient peu importants eu égard à la différence de rémunération.

Par ailleurs, le délit de marchandage est constitué dans les hypothèses où une entreprise recourt au prêt de main-d’œuvre afin d’éviter d’appliquer des dispositions légales ou des stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.

Le délit de marchandage peut donc être caractérisé dans les situations suivantes :

  • lorsque l’entreprise utilisatrice veut éviter d’atteindre le seuil d’effectif l’obligeant à appliquer les dispositions légales relatives à la mise en place des institutions représentatives du personnel ;
  • en cas d’utilisation des travailleurs temporaires pour effectuer des tâches permanentes, en les privant des avantages conférés aux salariés permanents ;
  • même lorsqu’il n’est pas prouvé que les salariés ont été lésés, il suffit de démontrer que les salariés ont été privés d’avantages potentiels, par exemple de l’application d’une convention collective, du bénéfice des œuvres sociales de l’entreprise ou de la participation ;
  • lorsque les contrats de sous-traitance constituaient en fait des opérations de fourniture de main-d’œuvre à but lucratif ayant eu pour effet de priver les salariés des garanties légales en matière d’embauchage et de licenciement, du bénéfice des conventions collectives et des avantages sociaux conférés aux salariés permanents de la société utilisatrice ;
  • lorsqu’il est relevé un prêt de main-d’œuvre à but lucratif occasionnant aux salariés un préjudice lié à la perte d’une convention collective applicable plus favorable et à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée avec durée minimale et sans terme précis, hors les cas légaux.

Qui peut être sanctionné ?

  • Les auteurs du délit de marchandage (personnes morales et physiques) qu’ils soient les fournisseurs ou les utilisateurs de la main d’œuvre ;
  • Tout complice : personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation du délit de marchandage.

Quelles sont les sanctions encourues par l’employeur en cas de prêt de main d’œuvre illicite ?

  • Sanctions pénales pour les personnes physiques

Le délit de marchandage est réprimé par l’article L.8231-1 du code du travail.

Tout comme le prêt de main d’œuvre illicite, le marchandage est sanctionné pénalement jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30.000 € ou de l’une de ces deux peines seulement.

Ces peines sont portées à :

    • 5 ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende lorsque l’infraction est commise à l’égard de plusieurs personnes ou à l’égard d’une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ;
    • 10 ans d’emprisonnement et 100.000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

Les personnes physiques encourent également des peines complémentaires, comme la confiscation, l’interdiction de sous-traiter pour une durée de 2 à 10 ans, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.

  • Sanctions pénales pour les personnes morales

Les personnes morales peuvent se voir sanctionner d’une amende de 150.000 € et de peines complémentaires telles que notamment la dissolution de la personne morale, l’interdiction d’exercer des activités professionnelles ou sociales, la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés, le placement sous surveillance judiciaire pour 5 ans ou plus, l’interdiction de faire appel public à l’épargne, l’interdiction pour une durée de 5 ans au plus d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré, la confiscation de la chose ou produit de l’infraction et l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

  • Sanctions civiles

Action du salarié : Lorsque l’opération de prêt de main d’œuvre est illicite, le contrat qui lie le fournisseur de la main d’œuvre et l’utilisateur est nul de plein droit.

Si l’opération de prêt de main d’œuvre a causé un préjudice au salarié, il pourra en demander réparation devant le conseil de prud’hommes ou en se constituant partie civile devant les tribunaux.

Action en justice des syndicats : en cas de marchandage, les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions en faveur d’un salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

  • Sanctions administratives

Des sanctions administratives peuvent également être appliquées : refus d’accorder certaines des aides publiques en matière d’emploi, de formation professionnelle et de culture, suppression des aides publiques, remboursement des aides publiques déjà perçues, fermeture temporaire de l’établissement ayant servi à commettre l’infraction.

  • Annulation des exonérations sociales

L’annulation des mesures de réduction et d’exonération totale ou partielle de cotisations et contributions sociales applicable en matière de travail dissimulé est étendue, depuis le 1er janvier 2017, au délit de prêt de main-d’œuvre illicite et de marchandage (article L.133-4-2 du CSS et article L.8271-6-4 du code du travail).

Les agents de contrôle chargés de la lutte contre le travail illégal transmettent, aux URSSAF, les PV relevant du délit de prêt de main-d’œuvre illicite ou de marchandage afin que les organismes procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues, sur la base des informations contenues dans ces procès-verbaux.

Pour constater par procès-verbal l’infraction de marchandage, l’inspection du travail dispose de moyens de contrôle importants.

En effet, les inspecteurs du travail, les agents des impôts et des douanes sont habilités à se communiquer réciproquement tous renseignements et tous documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le marchandage (et le prêt illicite de main-d’œuvre). Dans le cadre de cette mission, ils peuvent se faire présenter les devis, les bons de commande ou de travaux, les factures et les contrats ou documents commerciaux relatifs aux opérations de marchandage et de prêt illicite de main-d’œuvre (article L.8271-2 du code du travail).

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