La loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social vient d’être publiée au Journal Officiel du 25 octobre dernier.
Elle contient diverses mesures destinées à favoriser l’emploi des salariés expérimentés, à améliorer le dialogue social dans les entreprises et à faciliter les transitions professionnelles ou les aménagements de fin de carrière. Nous vous présentons ci-après les principales nouveautés.
Négociation obligatoire sur les séniors
La loi crée un nouveau thème de négociation périodique obligatoire dans les branches et dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
En effet, l’article 1er de la loi vient ajouter un nouveau thème de négociation obligatoire de branche puisque désormais, les branches devront négocier, tous les 3 ans (sauf accord de méthode fixant une autre périodicité) sur « l’emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge ». Cette obligation de négocier s’ajoute aux autres négociations obligatoires périodiques.
En parallèle des branches, la loi impose également une obligation de négocier périodiquement sur l’emploi et le travail des salariés seniors, aux entreprises de 300 salariés et plus. Jusqu’à présent, ces entreprises n’étaient pas tenues de négocier sur les conditions de travail de leurs salariés seniors.
Un décret d’application à paraître devra préciser les informations nécessaires à la négociation de branche ainsi que pour les entreprises de plus de 300 salariés.
Création du contrat de valorisation de l’expérience (CVE)
La loi crée un nouveau type de CDI dénommé « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE) visant à favoriser l’embauche des séniors.
A titre expérimental et jusqu’au 24 octobre 2030, il sera possible, sous conditions précisées ci-après, de conclure avec certains séniors demandeurs d’emploi, un contrat à durée indéterminée particulier : le contrat de valorisation de l’expérience.
Ce CVE est ouvert à toute personne qui, au moment de son embauche, remplit les quatre conditions cumulatives suivantes :
- être âgée d’au moins 60 ans (ou d’au moins 57 ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit) ;
- être inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de France travail ;
- ne pas pouvoir bénéficier d’une pension de retraite de base à taux plein d’un régime légalement obligatoire, à l’exception de certains régimes spéciaux ;
- ne pas avoir été employée, au cours des six mois précédents, dans cette entreprise ou, le cas échéant, dans une entreprise appartenant au même groupe.
Le CVE est régi par les dispositions de droit commun applicables aux contrats de travail à durée indéterminée, exception faite de celles relatives à la mise à la retraite.
En effet, l’employeur pourra mettre à la retraite le salarié en CVE sans être tenu de recueillir son accord, dès lors que celui-ci a atteint :
• soit 67 ans (l’âge de départ pour une retraite à taux plein automatique) ;
• soit avant 67 ans s’il a l’âge légal de départ à la retraite et le nombre de trimestres requis (variable selon l’année de naissance).
Pour mémoire, dans le cadre d’un CDI de droit commun, la mise à la retraite d’office par l’employeur, sans avoir à demander l’accord du salarié n’est possible qu’à partir de 70 ans. La mise à la retraite n’est possible qu’à partir de 67 ans et nécessite l’accord du salarié entre 67 et 70 ans (C. trav., art. L. 1237-5).
Par ailleurs, en cas de mise à la retraite dans le cadre d’un CVE, le montant de l’indemnité de mise à la retraite versée est exonéré de la contribution patronale spécifique de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite versée.
Rappelons que l’employeur qui met à la retraite un salarié en dehors du CVE est tenu de verser une contribution patronale de 30 % due sur la fraction d’indemnité de mise à la retraite exonérée de cotisations de sécurité sociale, assujettie ou non à CSG/CRDS (CSS, art. L.137-12).
Enfin, l’employeur qui met à la retraite un salarié sous CVE doit appliquer le préavis de licenciement et verser l’indemnité de mise à la retraite au moins égale à l’indemnité de licenciement.
Mise à la retraite par l’employeur et départ à la retraite à l’initiative du salarié
Comme indiqué précédemment, l’employeur peut mettre le salarié à la retraite soit d’office s’il a au moins 70 ans, soit avec son accord s’il a entre 67 et 70 ans.
Désormais, cette mise à la retraite est possible, y compris si le salarié a été embauché alors qu’il avait déjà atteint l’âge auquel il peut prétendre à une pension de retraite à taux plein (67 ans ou avant s’il avait atteint l’âge légal de départ à la retraite et le nombre de trimestres requis). Cette précision permet de mettre fin à la jurisprudence qui interdisait de mettre à la retraite un salarié qui avait déjà 70 ans au moment de l’embauche (Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 17-29.017 ; Cass. soc., 27 nov. 2024, n° 23-13.694).
Cette mesure s’applique à compter du 26 octobre 2025.
Retraite progressive
Dès 60 ans, un salarié qui a au moins 150 trimestres d’assurance vieillesse peut demander à son employeur de réduire son temps de travail pour bénéficier du dispositif de la retraite progressive. Cela permet au salarié d’être à temps partiel ou à temps réduit (en cas de forfait jours) tout en bénéficiant d’une partie de sa pension de vieillesse.
Si l’employeur souhaite refuser la demande du salarié de passer à temps partiel ou temps réduit dans le cadre du dispositif de retraite progressive, il doit adresser son refus par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 2 mois et motiver son refus par « l’incompatibilité de la durée de travail souhaitée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise » (C. trav., art. L. 3123-4-1 et L. 3121-60-1).
La loi du 24 octobre 2025 apporte des précisions sur la motivation de ce refus. En effet, pour invoquer l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise, l’employeur doit rendre notamment compte des conséquences de cette réduction de la durée de travail sur la continuité de l’activité de l’entreprise ou du service, ainsi que, si ces conséquences impliquent un recrutement, des tensions pour y procéder sur le poste concerné.
Temps partiel en fin de carrière et indemnité de départ à la retraite
Les salariés qui souhaitent réduire leur temps de travail en fin de carrière peuvent demander d’affecter l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de leur rémunération. Le versement anticipé de l’indemnité de départ à la retraite finance ainsi la perte de rémunération liée à la réduction du temps de travail.
Ce dispositif ne peut être mis en place que par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche.
L’accord collectif devra préciser les modalités de versement de l’indemnité de départ à la retraite avant la rupture du contrat ainsi que les modalités du versement du reliquat éventuel de l’indemnité au moment de son départ à la retraite.
Entretien de parcours professionnel
L’entretien professionnel devient l’entretien de parcours professionnel (article L6315-1 du Code du travail).
Il doit être proposé au salarié au cours de la 1re année suivant son embauche puis tous les 4 ans (au lieu de 2 ans pour l’actuel entretien professionnel) avec un état récapitulatif tous les 8 ans (au lieu de 6 ans pour l’actuel entretien professionnel « bilan »).
Son contenu est renforcé. 5 sujets obligatoires devront être abordés :
- les compétences et qualifications du salarié ;
- sa situation et son parcours professionnel ;
- ses besoins de formation ;
- ses souhaits d’évolution professionnelle ;
- CPF et CEP.
Comme actuellement, cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du salarié.
Par ailleurs, un entretien de parcours professionnel de mi-carrière doit être organisé dans les 2 mois suivant la visite médicale de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2 du code du travail.
Enfin, un entretien de parcours professionnel de fin de carrière est créé et doit être organisé entre les 58 et 60 ans du salarié. Il aborde, outre les sujets habituels de l’entretien de parcours professionnel, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagement de fin de carrière, comme le passage à temps partiel notamment dans le cadre de la retraite progressive.
Bonus-malus de la cotisation chômage
Dans 7 secteurs d’activité dont le secteur HCR, pour les entreprises d’au moins 11 salariés, le taux de la cotisation chômage de droit commun, 4 % (depuis le 1er mai 2025), est modulé à la hausse ou à la baisse en fonction du taux de séparation de l’entreprise (nombre de ruptures de contrat) comparé au taux moyen du secteur de l’entreprise (https://www.ghr.fr/social/actualites/bonus-malus-publication-des-taux-de-separation-medians-pour-la-modulation)
La loi du 24 octobre 2025 exclut des ruptures de contrat prises en compte pour calculer le taux de séparation : les licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle et les licenciements pour faute grave et faute lourde. Cette modification interviendra lors de la prochaine période de modulation, soit à compter du 1er mars 2026.
Chômage
La loi modifie par ailleurs le cadre légal des conditions d’affiliation à l’assurance chômage. La durée minimale d’affiliation est abaissée à 5 mois au lieu de 6 mois dans le cas général pour les primo-entrants.
Dialogue social
En matière de dialogue social, la loi supprime la limitation de 3 mandats successifs applicable aux élus du Comité social et économique (CSE) quel que soit l’effectif de l’entreprise.
Pour mémoire, l’ordonnance Macron créant le CSE avait introduit une limitation du nombre de mandats successifs à 3 pour les entreprises de 50 salariés et plus.
Dorénavant, l’article L2314-33 du Code du travail prévoit que les membres du CSE sont élus pour 4 ans, et liste les cas de cessation des fonctions de ces membres.
D’autre part, la loi modifie l’article L2143-3 du code du travail en offrant la possibilité de désigner un DS parmi les anciens élus du CSE. Le choix du syndicat n’est plus cantonné aux anciens élus ne pouvant plus se présenter aux élections du fait de la limitation du nombre de mandats. Il est élargi à tous ses anciens élus.
Source : Loi n°2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social au JO du 25 octobre 2025 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000052430940